Ultra-marginal aujourd’hui, l’autopartage peut être une solution pertinente pour les personnes qui utilisent occasionnellement la voiture. Il reste nécessaire de disposer de services bien adaptés à la demande, et de tarifs abordables par l’utilisateur permettant en même temps à l’opérateur d’amortir son véhicule. Une façon de penser : créer un abonnement mensuel constituant une assurance mobilité. Cela implique que les opérateurs coopèrent et que la communauté soit impliquée dans la supervision.
Par Nicolas Louvet, Hadrien Bajolle, Marion Lagadic
A lire en complément : Les tarifs réglementés des traductions assermentées
Comme il est difficile de se passer de voitures, partageons-les pour réduire les nuisances : sur le papier, l’idée de l’autopartage est à la fois simple et attrayante. Cependant, l’autopartage a du mal à prendre son envol. Toujours à la mode ultra-marginale, elle n’a pas trouvé son modèle économique. Peut-être la faute d’une méthode de marketing qui ne tient pas compte de certains segments d’utilisation tels que les excursions et les week-ends. Il est donc temps de repenser l’autopartage modèle économique afin d’en faire un véritable levier pour réduire la place de la voiture dans les zones denses.
Le covoiturage n’est utile pour la communauté que s’il réduit l’espace de la voiture
D’un point de vue communautaire, l’intérêt de l’autopartage réside dans la réduction du nombre de voitures nécessaires au transport des personnes. Moins de voitures signifie moins de pollution émise pendant la phase de production de ces véhicules et moins d’espace occupé dans les centres urbains, où l’espace est rare. Si l’autopartage ne réduit pas le nombre de voitures, son effet est plutôt négatif, car il contribue à encombrer encore plus les rues. Cela signifie que les services d’autopartage doivent pouvoir permettre aux usagers de se passer complètement d’une voiture personnelle pour ceux qui n’en ont pas, et d’en disposer pour les ménages déjà motorisés. Pour ce faire, il est nécessaire d’assurer une couverture complète des trajets motorisés, de fournir une sorte d’assurance mobilité. Bien sûr, il faut rester réaliste sur le potentiel de l’autopartage. La couverture universelle des besoins par le biais des services automobiles ne peut jamais être rentable pour les utilisateurs réguliers de voitures. En fait, quoi qu’on puisse dire, les coûts variables de l’automobile privée sont très faibles par rapport aux autres services automobiles. En conséquence, l’autopartage aura du mal à se développer dans des espaces qui dépendent structurellement de la voiture. Il sera également probablement plus difficile de se développer chez les citadins qui utilisent fréquemment des voitures. Nous pensons en particulier aux familles avec enfants, qui restent un noyau dur de la conduite automobile, tant pour des raisons pratiques que pour des raisons de normes sociales. D’autre part, l’autopartage peut offrir une solution vraiment pertinente dans les villes pour les usagers occasionnels de la voiture, afin d’encourager les résidents à se démotoriser et en plus de mesures plus restrictives telles que l’introduction de ZFE.
A lire également : Quelle entreprise créer en 2020 ?
Cependant, même dans les zones urbaines, les services d’autopartage proposés ne sont pas encore bien adaptés à la demande. Cela nécessite un analyse détaillée des pratiques de mobilité urbaine. Une part importante du kilométrage automobile des résidents des grandes villes consiste en des voyages de fin de semaine ou des excursions. À Paris, par exemple, ces trajets représentent environ 30 % du kilométrage de courte distance (c’est-à-dire tous les trajets de moins de 80 km). Toutefois, ces trajets ont la caractéristique d’avoir un temps de trafic faible sur la durée totale d’utilisation. Par conséquent, si, au départ de Paris, un automobiliste se rend dans un centre de villégiature pendant un week-end, il est très probable que la durée totale du trafic soit d’environ quelques heures. Le reste du temps, la voiture reste garée. Mais il est néanmoins nécessaire d’assurer le retour. En d’autres termes, dans ce type d’utilisation, une voiture est utilisée pour une durée d’utilisation donnée plus que pour parcourir une distance.
Avec une voiture personnelle, le temps d’attente hors route est déjà inclus dans le prix d’achat. Toutefois, des recherches empiriques montrent que les ménages prennent très peu en compte les coûts fixes dans leur choix modal. Sur le au contraire, lorsque vous utilisez un service automobile, le tarif est toujours indexé sur une durée d’utilisation : vous payez pour une heure, une demi-journée, un ou plusieurs jours, mais, dans tous les cas, ce temps est toujours monétisé explicitement. Par conséquent, pour une excursion d’un week-end à une heure de Paris, le coût directement payé sera de l’ordre de 100€ via n’importe quel service de voiture, alors que (parce que l’automobiliste ne conserve que le prix de l’essence), il aura coûté moins de 20€ en voiture privée. Même si vous n’êtes pas un homo economicus, ces différences sont trop fortes pour passer inaperçues.
QUE NOUS L’UTILISIONS OU NON, NOUS PAIERONS TOUS LES MOIS POUR AVOIR UN SERVICE D’AUTOPARTAGE DISPONIBLE.
Transfert des coûts d’utilisation vers l’abonnement de covoiturage
Pour remplacer les usages résiduels de la voiture en ville, il s’agit de créer des modèles économiques compatibles avec ces usages. Il faudrait donc imaginer des systèmes d’autopartage dans lesquels le coût en fonction du temps est très bas pour être compétitif avec la voiture privée. Mais nous devons également prendre en compte les coûts des opérateurs de covoiturage, dont une grande partie est fixe. Quel que soit le nombre de kilomètres parcourus, la dépréciation demeure constante. Si la recette quotidienne est trop basse, ils ne sont donc pas rentables, ce qui remet en question leur existence même.
Une façon de penser pourrait consister à transférer une plus grande part des revenus vers les abonnements, avec des services unifiés et structurés afin de proposer une offre cohérente. Le modèle commercial de l’autopartage serait alors plus semblable à ce que couvre réellement son utilisation, c’est-à-dire une sorte d’assurance mobilité : que nous l’utilisions ou non, nous paierions tous les mois pour avoir un service d’autopartage disponible. Afin de faciliter l’ergonomie, ces services pourraient être proposés à la vente en même temps que les transports en commun, et même, pourquoi pas, sur le même support. Par exemple, vous pouvez imaginer payer pour une extension sur votre public carte de transport pour avoir accès aux services d’autopartage dans votre ville.
Un tel système nécessiterait un niveau significatif de coopération entre les opérateurs de covoiturage, afin de mettre en place un ensemble de services communs, ainsi que des services de billetterie et de paiement partagé. Les flottes devraient également être davantage mutualisées entre les opérateurs afin de limiter le risque d’indisponibilité des véhicules à mesure que le nombre d’utilisateurs augmente, ce qui était le cas, par exemple, lors de l’expérience Autolib’. Enfin, cela nécessite un haut niveau de supervision de la part de la communauté, qui doit veiller à ce que l’offre soit conforme aux besoins de mobilité locale et qu’elle soit intégrée dans le système de transport urbain existant. Bref, en termes plus techniques, la performance financière durable des opérateurs de covoiturage, mais surtout leur efficacité vis-à-vis des objectifs de politique publique, dépend de l’existence de plateformes MaaS, qui sont d’une manière ou d’une autre réglementées par les pouvoirs publics.
Mais comment attirer de nouveaux clients vers ces offres de services automobiles ? Pour être attrayant, l’abonnement aux services de covoiturage doit être bas, ce qui implique un nombre élevé d’utilisateurs.
La solution la plus logique d’un point de vue collectif est de restreindre davantage la voiture individuelle, afin de favoriser, en creux, le covoiturage : n’oublions pas que le développement de l’autopartage n’a de sens que s’il contribue à la réduction du nombre de voitures particulières et induit kilomètres. En fin de compte, les leviers de développement des services automobiles sont donc très largement entre les mains des élus. La privatisation de la voiture est avant tout un choixpolitique.